jeudi 25 octobre 2012

Après TD monte le son, l’Acadie monte le ton ?

par Raymond Blanchard, agent de recherche et projets

Je ne vous apprends certainement rien en vous disant qu’une querelle linguistique prend place au N-B depuis plusieurs semaines déjà. C’est que la révision de la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick est en phase de révision, et que la tenue de débats derrière des portes closes (voire «en secret» comme l’a rapporté la CBC) sur la question, au parlement de la province, a donné naissance à toutes sortes d’inquiétudes et de rumeurs chez la vieille garde anglophone de la province.

Un parti politique au poids insignifiant (1,18% des votes en 2010), le People’s Alliance of New Brunswick, a depuis suivi les traces du défunt CoR en capitalisant sur les inquiétudes de certains anglophones pour remettre en question le bilinguisme sous sa forme actuelle au N-B (CBC). Le sempiternel argument de la viabilité économique a donc lui aussi fait son retour.

C’est ce qui a véritablement lancé les hostilités (vous me passerez l’expression) entre les groupes militants anglophones et francophones de la province : la question de la langue redevenait un enjeu politique, une carte à jouer pour gagner des appuis parmi la population. Jusqu’à la semaine dernière, les francophones se sont relativement abstenus d’entrer dans le ring, mais voici que, sorti de nulle part, un francophone «crédible» (parce qu’il tient les cordons d’une grosse bourse) ajoute sa voix au débat public. Denis Losier, PDG d’Assomption-Vie, sort dans les médias pour dire qu’il faudrait préparer la riposte (CapAcadie).

Il suffisait de cette percée pour que Jean-Marie Nadeau se lance dans la brèche : il se dit lui aussi prêt à «hausser le ton» si ce débat sans fond se poursuit, pour faire valoir le bilinguisme au N-B et les droits des Acadiens (CapAcadie).

Nadeau fait également allusion à la bataille médiatique que se livre les journaux de la province, et qui ne fait qu’envenimer une situation toujours volatile. On sait que la question de la langue soulève les passions de façon instantanée au N-B, et les journaux, à la manière des partis politiques anonymes, capitalisent sur l’attention qu’elle engendre.

Ça a commencé par l’affichage bilingue (CBC – lisez quelques commentaires), puis ensuite ce fut la dualité en santé (CBC), et maintenant on ne sait plus trop si c’est simplement une guerre ouverte qui se dessine sur tous les fronts…

Mais la question est la suivante : veut-on une guerre linguistique au N-B ?

… Et peut-on ignorer les attaques contre le bilinguisme tel que défini et protégé par la Loi ?

Hein ?

Or, voici que Statistique Canada publie les données du dernier recensement sur la langue maternelle (Radio-Canada). Fait étonnant : il y a presque autant de Canadiens qui ont une langue maternelle autre que l’anglais (20%) que de locuteurs francophones (22%)!

Au N-B, le français accuse un léger recul sur 2006 : il y a aujourd’hui 32.5% de francophones dans la province, contre 33% au recensement précédent (CapAcadie). C’est franchir un cap psychologique que de passer sous la barre des 1/3 de la population, soit, mais un cap tout de même. Le bilinguisme (c’est-à-dire la capacité de soutenir une conversation en français) est lui aussi en recul, passant de 42,6% à 42,2%.

Autrement dit, les tenants du darwinisme social (UQAM) auront peut-être de quoi charger mousquets et arquebuses. La pognez-vous, tsé, des armes archaïques pour un combat archaïque…

Mais bon, le point où je veux en venir, c’est qu’il faut clairement prendre position dans le débat actuel. D’une part, médias et politiciens une nouvelle fois rouvert la plaie en grattant la croûte du bilinguisme au N-B. D’autre part, je crois qu’il faut regarder le débat actuel avec philosophie et comprendre qu’il s’inscrit dans un contexte bien particulier, qui est celui de la révision de la LLO, c’est-à-dire qu’il est appelé à perdre de sa portée après le 31 décembre 2012. Et vous savez, dans dix ans, lors de la prochaine révision, la croûte ne sera peut-être pas beaucoup plus épaisse qu’elle ne l’était en août !

Or, doit-on baisser la garde et encaisser les coups en attendant cette date-butoir ? Sinon, quelle sera cette «réponse musclée» qu’appellent les leaders de la communauté francophone et acadienne ?

Je tenterai de vous revenir, chiffres à l’appui, avec ma suggestion.

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